Organisé par Valérie Dubslaff (MCF Université Rennes 2), Jasmin Nicklas (Université Paris-Sorbonne / Universität des Saarlandes) et Maude Williams (Laboratoire EHNE / Ruhr-Universität Bochum)
17 – 19 octobre 2018, Université de la Sarre, Sarrebruck
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Les émotions imprègnent le quotidien des populations et ont une influence sur leurs comportements et leurs décisions, ce qui se répercute sur le cours de l’histoire. Appelée de ses voeux par Lucien Febvre en 1941 l’histoire des sensibilités, ou histoire des émotions, a connu ces dernières dix voire vingt dernières années un écho remarquable. Les travaux du coupe Stearns, Williams Reddy et Barbara Rosenwein ont fait largement avancer l’histoire des émotions. Des historiens allemands, tels que Ute Frevert, Birgit Ashmann et Jan Plamper, et français, tels qu’Alain Corbin et Georges Vigarello ont participé à l’établissement d’une nouvelle branche de la recherche en histoire. Les émotions ne sont cependant pas seulement analysées par les historiens mais sont également devenues un objet d’étude à part entière dans d’autres domaines des sciences humaines et sociales, telles qu’en sociologie, en ethnographie, ou bien encore en sciences politiques et en philosophie. De plus, depuis ces 15 dernières années, l’émergence et l’influence des émotions a également été traité dans le domaine des sciences naturelles.
Ce colloque a fait le choix d’appréhender les émotions sous le prisme de la politique et des médias en mettant en lumière leurs interdépendances aussi bien en France qu’en Allemagne. De même, il sera possible de traiter de la question des transferts d’émotions entre les deux pays ainsi que leur signification dans la construction d’une histoire européenne des émotions. Ce colloque s’adresse particulièrement à de jeunes chercheurs en sciences humaines et sociales. Le choix de l’approche de ce colloque est également déterminé par la situation politique actuelle : dans toute l’Europe, les mouvements populistes de droite essayent de gagner des voix à travers des campagnes électorales « émotionnalisées » qui ont fait preuve d’un certain succès, comme entre autres lors des dernières élections en France et en Allemagne. Les réseaux sociaux, qui ajoutent leur influence au monde des informations, se voient confronté à la problématique des « fakes News » dont les contenus ont pour but d’éveiller des émotions bien définies chez le récepteur.
La présence grandissante de l’émotionnel dans le quotidien n’est cependant pas un phénomène se limitant à l’époque actuelle. Son constat permet néanmoins d’ouvrir le regard sur l’importance de problématiques historiques, culturelles et sociologiques traitant des interactions entre les émotions, les médias et le politique dans l’histoire européenne contemporaine. Depuis l’émergence des médias de masse, les politiques atteignent toute la population. En parallèle de leurs arguments, ils ont recours à des émotions pour persuader les électeurs de leurs idées. Les émotions peuvent également servir d’instrument de manipulation dans différents systèmes politiques. La force de manipulation des émotions ouvre la question de leur utilisation dans les régimes dictatoriaux, autoritaires et démocratiques. De quelle manière les différents acteurs politiques utilisent-ils les émotions pour imposer leur propres positions ? Quelles différences existent entre les méthodes d’instrumentalisation des émotions en pays dictatorial et en pays démocratique ? Existe-t-il des changements temporels dans la pratique des émotions ? De quelle manière l’émergence des médias et médias de masse ont transformé la communication politique et l’utilisation des émotions dans les discours politiques ? A ces questions s’ajoutent celles qui concernent les émotions en temps de guerre et en temps de paix : Quelle place prennent par exemple les émotions dans la propagande de la Seconde Guerre mondiale ? Dans ce contexte, une comparaison entre la propagande de régime démocratique français et celle de l’Allemagne nazie se prête particulièrement à l’analyse.
Un autre domaine de recherche apparaît également lors de l’étude des rapports entre médias, politique et émotions : il s’agit là de l’utilisation des techniques de publicité dans la pratique politique. Quelles émotions sont utilisées dans les deux modèles de communication ? Dans les années d’Entre-deux Guerres, les techniques de publicité venues des Etats-Unis prennent leur essors dans les médias de masse des pays européens. Il serait intéressant de revenir sur les échanges entres les méthodes publicitaires et le politique pour cette période, mais également pour la période d’après-guerre qui voit arriver l’âge d’or de la publicité. Les politiques s’inspirent-ils des nouvelles méthodes développées autour d’une société de consommation? Avec l’intégration européenne, et le marché commun qui en a résulté, on voit naitre dans la période d’après-guerre une branche publicitaire européenne qui est cependant imprégnée des différences culturelles de chaque pays. Peut-on constater une tendance vers l’homogénéité des techniques publicitaires et politique au niveau européen ? Peut-on enfin, parler d’une culture des émotions européennes ou doit-on parler de cette culture au pluriel ?
Université de la Sarre, Sarrebruck, 17 – 19 octobre 2018